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Notes de mise en scène

LE TEMPS

L’ESPACE

L’IMAGE

LE DECOR


Que reste-t-il des autres lorsque nous débarquons dans un endroit déjà bâti, habité, vécu ?

Pénétrant dans l’intime de cette question, l’œil vit les ombres et les lumières comme dans les rêves.

Il est piégé dans les dédales de sa découverte. Il cherchait des issues, une réponse, il ne les a pas trouvées. Il n’y a que des chemins à parcourir. Il essayait de fabriquer des issues, une réponse, il a échoué.

Alors, nous voilà contraints de vivre avec des incertitudes encore plus pesantes.

Quelque chose nous manque, de l’air peut-être, de la lumière, l’autre… Pris d’angoisse, nous nous déplaçons de fenêtre en fenêtre. D’images en images, nous devenons partie d’une image, celle d’une danse, d’une fiction qui servirait de tremplin à l’utopie de notre enfance...

Sous la fenêtre, nous dansons. Soudain nous voilà entourés par les ombres... Les ombres nous poursuivent, les ombres nous interrogent, les ombres nous interpellent, les ombres nous agacent, les ombres nous culpabilisent... Jusqu’à que nous ne soyons plus capables de nous libérer d’elles... Désormais, leur mémoire est aussi vivante que nous-mêmes. Rien à faire, nous sommes là désarmés... Une seule issue possible... les entendre... Le rapprochement devient inévitable... Petit à petit, nous nous réconcilions... Et nous finissons par vivre ensemble... Vivre avec nos ombres pour leur permettre d’achever leur vie naturelle... Leur permettre d’accomplir leur rêve le plus cher.

Apprendre que tout cela est possible… Oui, seulement dans un monde imaginaire, dans un temple où se joindraient l’homme et le rossignol... Là, où le symbole est aussi vivant que la réalité la plus cruelle... Là, où l’image et la métaphore s’unissent pour engendrer et défendre la vie... Nous avons atteint l’issue… Et nous nous sentons vulnérables, pas faibles, vulnérables... La vulnérabilité, un droit essentiel à l’homme…

L’œil poursuit les ombres et les lumières de son rêve.

Femmes et hommes, tous enfoncés en relief dans des paysages, tous métamorphosés en nature morte sur la toile de peinture. La chaise vétuste, la table et toute la nature figée sur elle, l’escalier, le lit, tout devient mélange surréaliste et abstrait de pigments lisses et rocheux. Mille effets surprenants de lumière nous protègent d’un halo. La cuisine est remplie d’odeurs plastiques. Un visage sculpté familier qui a vécu un temps nous regarde de ses yeux brillants couverts d’huile et de vernis ancien.

Une chambre intime éveille en nous la nostalgie d’une autre partie de nous-mêmes. Elle nous manque dans une sérénité apaisante. Nous sommes ce corps suspendu, ailé, qui se vit… en-dehors de l’idéologie… à l’intérieur de la matière… au théâtre.

Antigone, Electre, Cordélia, aucune n’a pu donner la vie à un enfant, et pourtant…

Juliette, Leïli, Avril, aucune n’a pu vivre le plaisir, et pourtant…

Soudain, toutes les dimensions de la matière, toutes les dimensions du mouvement, toutes les dimensions de l’énergie, toutes les dimensions de la forme qui nous produit parlent d’une seule voix.

Pause, parole, pause, parole…

Des histoires d’hommes tissées en parallèle telles les nattes des longues chevelures d’éternelles mères.

Elles balaieront le visage de ceux qui marcheront leur temps et le prolongeront.