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Pour que la chair résiste
Alain Foix
Opéra pour que le faible résiste Par Alain Foix
Pour que la chair résiste.
C’est toujours à la lettre que Kazem Shahryari risque sa peau dans chacune de ses créations. A la lettre d’un poète, mais un poète qui se prononce et s’écrit « peau-être ».
Un poète français né en Iran et qui non seulement habite notre langue, celle de Molière, mais va chercher au creux de ses racines la matière consistante et souple où il taille ses mots singuliers faisant de l’espace du théâtre une chair de la vie. Un théâtre vital, pas seulement vitaliste, pas seulement plein de vitalité, mais où brûle la chair à la manière du supplicié d’un bûcher d’Antonin Artaud. Et cette chair qu’il offre en holocauste au public, c’est la sienne. Chair torturée, brutalisée, une chair de migrant, une chair de condamné et d’exilé, fuyant les geôles des tortionnaires de Khomeiny pour se heurter aux matraques des frontières de France et parfois à la brutalité administrative.
Celui qui fut maltraité et qui cependant vient offrir à boire à son bourreau assoiffé, se voit tué par lui. Car ce bourreau ne sait pas voir en l’autre l’humanité qu’il se dénie à lui-même, et pense toujours que l’homme qu’il maltraite ne peut lui vouloir que du mal. C’est le fond de la fable racontée dans cet « opéra pour que le faible résiste ».
Le théâtre de Kazem est épique et sa moelle lui vient sans aucun doute de cette culture poétique dont il hérite comme mésopotamien de naissance, celle qui fut baignée de manière ancestrale par l’épopée assyrienne de Gilgamesh. Gilgamesh, ce héros obsédé par la mort mais qui finalement constate que puisqu’on ne peut lui échapper, car symbole même de la condition humaine, il vaut mieux chercher à profiter au maximum de son existence sur Terre.
Cet « opéra pour que le faible résiste », est donc bel et bien, malgré son aspect tragique, une ode à la vie, à l’utopie et à l’espérance sur terre.
Alain Foix
Écrivain - Metteur en scène