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Notes de mise en scène

L’AMOUR INTIME EN PÉRIL

Si nous devions choisir pour cette œuvre un mot clef, cela serait le mot « intime ». Si nous devions l’illustrer par une image, cela serait la mer à l’automne. Si nous devions la mettre en musique, cela serait les vagues et le violon. S’il y avait un secret à garder, cela serait l’amour. Tout se disperserait dans les conversations de quelques personnages, que l’on doit qualifier d’humains.

L’ESPACE

Une cabane en bois. Modeste, pauvre, provisoire. Une cabine pour offrir aux estivants du confort ou un trou pour cacher un fugitif.

L’AMBIANCE

La mer et le violon sont deux partenaires inséparables de cette œuvre. La peur ronge les os des personnages. La solitude est à craindre. Beaucoup de jeunes filles pétillantes de désir pour un héros à l’apparence sportive. Beaucoup d’amour à la recherche d’un peu d’amour. Les personnages évoluent dans l’obscurité. Fatalement ce manque de clarté est propice aux erreurs.

ITINÉRAIRE DE QUELQUES PERSONNAGES

Le rideau s’ouvre sur une petite cabane sur une plage. GEZA, un ancien champion de natation en est le locataire. Il fait nuit. Une conversation amoureuse étrange est entamée entre une jeune étudiante et l’ex-champion. Le ton de la pièce est donné. Le mensonge, le mépris, le désir et l’impuissance font leur chemin. Curieusement le champion porté sur la vodka projette d’écrire un récit. Le récit ne pourrait être que sa vie. La longue nuit dévoile la maladie de GEZA et son obstination à prouver qu’il vaut autant qu’avant.

Un ermite, BURLACK, partage ces lieux. Il connaît la valeur des choses. Il veille sur GEZA et surveille les allées et venues. Il vient de loin, de la résistance et de la guerre. Il est témoin d’une génération qui porte le gâchis comme étendard.

ANKA, ancienne étudiante, a atterri dans ce lieu, on ne sait pourquoi. Elle est, des amoureuses de GEZA, la plus fidèle, la plus sereine. Elle nous rappelle NINA de La Mouette, en plus âgée après quelques années de voyage. Elle a déjà connu quelques tromperies. Un personnage pourtant obstiné à prouver à elle-même et aux autres sa maternité. Elle se comporte comme si elle était privée de sa capacité à mettre au monde un enfant. Elle se comporte comme si GEZA était son sauveur, son chevalier, son garde-fou.

Et l’erreur est, comme toujours, un voyageur qui passe par-là. Un ZETEMSKI, à la recherche de quelques jours de repos, d’après un plan peut-être bien réfléchi. Il vient sur les conseils d’une amie, qu’il a peut-être aimée. Il parvient en tout cas à se loger dans la demeure des conquêtes de GEZA. Il savoure, il apprécie, il profite de tout, surtout de sa découverte de ANKA. Il faut un temps précieux pour déjouer un jeu qui est déjà en cours.

Voici le temps qu’il nous faut pour apprécier la complexité de ces personnages et remettre en chemin un nouveau rêve. ANKA abandonne sa vie sédentaire. Nomade repentie, elle reprend la route loin de ses illusions et de ses obstinations.

La patronne MARCINIANKOWA est une femme qui a décidé de profiter entièrement de ses droits. Elle n’est pas seulement patronne de bar, elle est aussi la propriétaire des diverses locations, des chaises, de le cabane, etc. Mais, pour s’approprier des hommes, il lui faut un langage qui n’est pas forcément son point fort. Malgré tout, elle essaie, comme les jeunes étudiantes. Tout ceci fait son charme. Elle doit s’adapter humainement à des situations éloignées de son rang de commerçante. La jalousie, le ravissement charnel de ce personnage font de cette pièce aussi une belle comédie de conquête.

L’ITINÉRAIRE DU DRAME

Jerzy PRZEZDZIECKI traite le drame d’une époque à travers l’histoire d’un champion sportif condamné à finir ses jours comme « gardien des dunes » dans un petit centre balnéaire. Le héros abandonné à lui-même doit puiser une raison de vivre dans ce qui reste de sa flamme. Après sa chute, il cherche une place pour l’homme qu’il est devenu aux yeux des autres. Il nourrit l’illusion de devenir un écrivain. Ceci le pousse à installer dans sa vie quotidienne des rapports voyeurs et brutaux. Dans ses soubresauts, l’amour lui échappe. Son manque de maturité ne lui laisse qu’une seule issue : la mer, un partenaire de poids qui l’épuiserait jusqu’à la mort.

La pièce est Une poignée de sable perdue dans une rivière qui poursuit sa courbe avec deux protagonistes : l’amour et la décadence. Tandis que l’amour s’envole parmi les hommes loin de la mer et que le récit du héros n’est pas encore abouti, la décadence qui demeure entre les flux et les reflux reste un problème majeur à résoudre.

Au cours de ce voyage, le spectateur partage la banalité d’une vie cachée dans un petit coin au bord de la mer où la tendresse, l’hypocrisie, une brutalité masculine et le sexe sont des sources infinies qui consument la vie.