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Théâtral Magazine

Libre et engagé

Kazem

Shahryari

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Poète d’origine iranienne, réfugié en France depuis presque trente ans, Kazem Shahryari a fondé en 1986 l’Art Studio Théâtre, un lieu désormais installé dans le 19e arrondissement ouvert aux compagnies. Animateur d’ateliers de formation, directeur de deux collections aux Éditions l’Harmattan, il a publié une dizaine de recueils de poèmes et, depuis peu, des pièces de théâtre. C’est à l’occasion de sa résidence au théâtre Jean-Vilar de Vitry qu’il créé le diptyque Couleurs de femmes. Le premier volet s’intitulait Couleurs de femmes l’été et le second L’automne précoce. Créé en novembre au Centre Culturel Jean-Houdremont de la Courneuve, il est repris au Lucernaire fin janvier.

Il adapte et met en scène en 2002 une pièce de l’auteur irlandais Dermot Bolger, Prodige. Les critiques sont bonnes et Dermot Bolger lui confie une seconde pièce, Ombre & Lumière d’avril, reprise au théâtre Jean Vilar. Puis, ils écrivent ensemble Départ et Arrivée toujours pour le théâtre Jean-Vilar et Kazem Shahryari se voit proposer une résidence.

« La condition, c’était que l’auteur résident travaille sur les destins de femmes. Selon la convention, je devais écrire deux pièces en trois ans sur les destins de femmes en Europe. » Dans L’Automne précoce, une jeune femme enceinte, d’origine hongroise, vient chercher des papiers en banlieue parisienne dans un apporte ment. Le lieu est fermé depuis des années. En ouvrant la porte, il révèles l’histoire d’une jeune fille, Leïla, morte pour avoir été privée de danser et bien d’autres histoires terribles représentatives du chaos dans lequel vit aujourd’hui notre monde. Au loin, des témoins d’une femme violée à répétition se suicident les uns après les autres. « C’est insupportable. Ils sont témoins lointains de l’affaire. C’est comme les politiques, qui parlent et ne font rien ; ils sont tellement loin des gens concernés. Bérégovoy s’est suicidé parce qu’il était face à ses responsabilités. Les artistes sont concernés directement. » Lui, l’est. Engagé théâtralement lorsqu’il est en Iran, il s’exile en France « parce que c’était ici le centre des intellectuels et je voulais voir ce qu’on pouvait faire ensemble ». Il est blessé et ne rentrera pas chez lui. Les débuts sont difficiles et il survit en animant des ateliers de théâtre. « Quand j’étais en Iran, il y avait quelques personnes dans le monde qui nous soutenaient, parmi lesquelles Arthur Milles II me connaissait de nom. II a conseillé que j’aille voire Andréas Voutsinaa ». II ouvre un atelier dans son théâtre un jour par semaine. « je mettais une boîte, les gens donnaient cinquante francs ». Après un an et demi de ce régime, il est engagé au Théâtre de a Ville en 1986 comme dramaturge.

« J’avais un salaire extraordinaire moi qui vis avec deux sandwiches par jour. Après je suis parti au festival d’Avignon, mais j’étais très fatigué parce qu’il y avait trop de relationnel et pas assez d’artistique ». Alors quand Antoine Vitez lui propose de l’engager comme dramaturge sur L’Echange de Claudel, il refuse. Il quitte le Théâtre de la Ville. C’est à cette époque qu’il créé l’Art Studio Théâtre. « Je voulais faire des recherches... » Depuis, il a pu écrire 20 textes en français. « Dans l’écriture et l’action de la pensée, je suis dans mon domaine. »

H.C.

L’Automne précoce, de Kazem Shahryari.
Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs 75006 Paris.

A partir du 27 janvier. 01 42 22 26 50

Théâtral Magazine (décembre 2009 -janvier 2010)