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Lettre de Philippe Clandel

Cher Monsieur Shahryari,

Le spectacle que vous nous avez montré hier : « La passion Léo » , nous a emmenés, ma femme et moi, au cœur de l’œuvre et de la vie passionnée de Léo Ferré, et de son double, Léo, l’homme, à travers un voyage dans notre XXeme, et ce XXIeme qui commence, dont Malraux a dit qu’il serait spirituel ou ne serait pas...
Léo( Paul Soka) et l’icône Léo Ferré qu’il représente est accompagné par Jade, la jeune femme qui écrit dans la nuit.
Est-ce un article, une biographie, ou son journal ? Ma femme pense que c’est une longue lettre d’amour à l’artiste et à l’art, moi je penche pour un travail d’écriture et suppose que son imagination, ses souvenirs ramènent à notre actualité ce grand artiste.
Jade (Lydie Marsan) et son clavier d’ordinateur dont elle joue comme d’un instrument, vit et nous fait revivre intensément sur la scène de votre salle L’Art studio théâtre, chaque seconde de la vie, des chansons, de la création de l’artiste.
Les plans multipliés à l’infini par les miroirs transforment la scène en espaces de vie à l’infini, dans lesquels nous entrons, nous les spectateurs. Jade rend compte avec douleur et avec légèreté, drôlerie, de ces valeurs perdues de vue , dont la jeunesse a faim : la culture, l’art. Mais une deuxième femme (le destin ?) traverse la scène, et les miroirs et chante. Cette artiste, (Ethel Brizard, dans la vie) n’a pas de nom dans la pièce, je crois, ma femme propose qu’elle s’appelle La Musique, et je suis d’accord. Quelle voix ! Quelle interprétation lyrique et personnelle des chansons de Léo Ferré. Et a capella !
Votre spectacle est si beau. La musique qui fuse d’on ne sait où, pas seulement du piano, ces images de foule, de luttes, de joies et de mouvements qui apparaissent dans le grand miroir écran. Comme apparaît Léo-l’homme dans sa vérité et ses faiblesses, comme vous et moi, et Léo Ferré, l’artiste. Et ces deux femmes superbes, il me semble qu’elles sont la poésie et la musique. Ma femme dit qu’elles incarnent aussi la musique et le public. « Jade c’est toi et moi » m’a-t-elle dit.
C’est vrai qu’au dernier concert des Champs-Élysées, on était si émus, pris dans ce bonheur dont parle si bien l’auteur de la pièce, Jocelyne Sauvard. Nous étions trop jeunes pour avoir connu tous les événements de notre Histoire, mais en un temps qui nous a paru si court, les trois personnages La passion Léo, nous font revivre la guerre, la déportation, l’Indochine, l’Algérie, les révolutions d’aujourd’hui, mais avant tout la musique, la chanson. Notre vie en chansons, avec ses dérives et ses éclats.
On passe d’une émotion à l’autre, rire, larmes. Après la rencontre avec vous-même, les artistes et l’auteur, au Foyer du théâtre, la soirée ne s’est pas terminée pour nous ! Les souvenirs affluaient et les questions.
C’est si riche et si beau ce que vous nous avez donné toute l’équipe de l’Art Studio théâtre qu’il nous faut revenir pour nous ressourcer et capter tous les aspects.
Nous avions vu, dans votre théâtre un Tchékov que vous aviez monté, et la scène jonchée de feuilles mortes, nous avait envoyés en Russie. « Lethal Romance », du même auteur que La Passion Léo, Jocelyne Sauvard , nous a fait pénétrer dans les Couloirs de la mort, dans une frénésie terrible et musical. L’Automne précoce, une pièce que vous avez écrite et donnée au Lucernaire l’an dernier, faisait un pont entre la vie, la mort et la vie, superbe ! Enfin, La passion Léo. Monsieur Kazem Shahryari, merci pour votre talent et votre invention.

Philippe Clandel.