La France, une banlieue, une Z.U.P., un snack, un "Petit paradis" pour celui qui a tout perdu, vocation et illusions.

Résigné, docile et soumis, OMID le musicien gabre [1] est à présent cuisinier. Enchaîné à la scène de sa vie, il cherche à gagner son droit à l’existence. "La France, c’est comme partout ailleurs... quand on ne travaille pas, on n’existe pas". On n’échappe pas à sa réalité, on la vit. Vie antérieure que seul un magnétophone accroché à sa ceinture ranime. Danse et chanson ravivent, un instant, la braise d’un regard en exil.

Sans compromis, impulsif et violent, DAVID vit sa réalité dans l’instant. Il vide l’insolence de sa vie, pour se métamorphoser en violeur des consciences endormies. "Je m’amuse, c’est tout, je n’ai pas besoin de casser". Jeu d’échec, son parcours ressemble à une lutte pour la conquête d’une reconnaissance.

Partenaire docile, THOMAS le gentil, enfouit ses démons, ses angoisses, sans jamais les exprimer. Inhibé avec les femmes, il construit sa vie, sûrement, avec des rêves autour. "Ca, c’est mon rêve, sauver la vie d’une fille, parce qu’elle aurait toujours une dette envers moi". Frustration d’un idéal qu’il n’atteindra jamais, sa violence enfouie sera fatale.

Nos trois funambules vont promener leur passé, leurs désirs, leur destin sur cette voie qu’ils ne trouvent plus. Une rencontre, trois hommes, trois parcours, une question : pourquoi devient-on partenaire ou ennemi ?

Le respect, la reconnaissance d’autrui, l’affection, autant d’objets perdus initiateurs de la violence. "C’est bon d’avoir un ami sur cette terre". Les âmes s’égarent dans ce huis clos ouvert sur l’univers.

Critiques de la vie, les spectateurs installés derrière un grillage protecteur, assistent à une scène privée. Valse d’émotions et de passions, entre rires et drame, les personnages s’entrechoquent dans l’urgence du désespoir et la violence du verbe.

Concept de rêve, d’imaginaire, le personnage de Gulliver représente ce moyen de repousser les frontières du réel, d’offrir un monde où tout est permis, y compris d’aimer. "Utilise ton Gulliver" dans l’espoir qu’un jour, la voie lactée réapparaisse.

Jean-Christophe VICTOR