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L’Olivié - 1996

Au fond de l’impasse... l’issue fatale !

Dès le début de la pièce sans la voie lactée, le climat d’oppression est par ce grillage, accessoire inattendu, interposé entre le public et l’espace de jeu ; ce grillage-là est hermétique, pas comme ces merveilleux réseaux maillés du film West side story dont on avait fini par croire qu’ils n’étaient placés là que pour pouvoir être franchis par les jeunes héros, adroits comme des signes, mais arrêter les flics.

Le climat que nous impose la pièce dans son déroulement est sans aucun doute possible un climat de malaise, celui d’un monde à l’horizon verrouillé, l’univers des banlieues, de la ZUP où le malvivre des jeunes (les post-ados pourait-on dire, pace que cette société de merde est infoutue de leur permettre une insertion normale dans la vie sociale) engendre de la petite délinquance et des comportements parasitaires (les plus malins vivent aux crochets des plus crédules).

L’auteur, Kazem Shahryari, origine iranienne, semble avoir méthodiquement - minitieusement obstrué toute possibilité d’envolées lyriques, de ces échappées par la puissance de l’imagination qui dans une flaque d’eau fangeuse vous font entrevoir un palais merveilleux ; c’est un parti-pris courageux de sa part, qu’il faut reconnaître et respecter. Justement, c’est peut-être cette trouée dans l’absolu désespoir qui, pour des jeunes des quartiers sensibles comme les décrit si bien la langue des bureaucrates, pourrait fort bien être générateur d’espoir, puisqu’on montre enfin de façon réaliste leur quotidien de galère (J’ai suggéré qu’un groupe de jeunes du qurtier Monclar, quartier chaud d’Avignon, viennent voir la pièce ; l’olivié pourait ensuit recueillir leurs réactions).

Si comme dans La haine de Matthieu Kassowitz, film marquant et intelligent, il s’agit d’un trio de protagonistes, l’hyper-réalisme sordide dont fait preuve Shahryrai interdit toute identification, toute récupération par les bons sentiments (à notre tour nous subissons le rejet) ; finalement, les héros de Kassowitz étaient trop sublimes pour ne pas éveiller le soupçon qu’il s’agissait plus d’une transposition moderne de l’affrontement des hommes, dieux et demi-dieux de la tragédie antique. Ou si l’on veut, par l’intermédiaire de Cul de Sac de Polanski, la filiation est possible avec Samuel BECKETT, mais un Beckett à la sauce banlieue, un BECKETT noir !


Lou PARIGOU
L’Olivié, Avignon 1996