Par Hélène KUTTNER

C’est en 1986 que Kazem SHAHRYARI, poète, acteur et metteur en scène d’origine iranienne, ayant fui son pays, crèe l’Art Studio Théâtre, atelier d’entraînement pour les professionnels de la scène. Depuis 1993, toujours aussi déterminé à chanter la liberté par la biais du théâtre, il s’est installé dans un petit lieu qu’il a entièrement refait, à deux pas de la Porte des Lilas et à l’ombre de hauts immeubles protecteurs, où il présente sa troisième création.

L’espace, ouvert en angle au public, est cerné par un grillage (décor Laure Malmontet et lumières Jean-François Toscano), et figure un coin de terre envahi de grafittis, entre ZUP et zone, flanqué d’un téléphone public déglingué, que seul réchauffe le nom du café-restaurant qui s’y dissimule : "Le Petit Paradis". C’est là qu’Omid le cuisinier (Yannig Samot) officie, exilé du soleil mais habité de musique, entre les frites et le néon, mais sans la lumière apaisante des étoiles. Lorsque débarquent David (Kazem Shahryari), tignasse jaune et alcool gai, et Thomas (Paul Soka), complexé et hypocondriaque, le paradis tourne vite à l’enfer, et la virée touristique au rodéo. Jonglant avec les peurs quotidiennes et le désir inassouvi de reconnaissance, les personnages luttent pour survivre, non sans humour et avec les peurs, concepts d’époque et média en toc, tissant leur propre toile de communication, au verbe heurté et sincère. Même si le texte, entre réel et lyrisme, cède parfois à la facilité, la performance d’acteurs rend le spectacle attachant, en posant des questions actuelles. On retrouvera le trio à l’Espace La Luna d’Avignon au mois de juillet.

Hélène KUTTNER
L’Avant-Scène Théâtre juin 1996