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Interview de Dermot BOLGER

Dermot BOLGER à propos de ses pièces de théâtre et de The passion of Jerome.

"On n’y trouve ni thèmes ni intrigues conventionnels et je pense que dans une certaine mesure elles reflètent des préoccupations de poète, avec des images qui se construisent souvent sur un mode poétique. (…) Il est obligatoire que le théâtre parle de la vie. Il est obligatoire qu’une pièce ait un ancrage dans la vie. Souvent dans mes romans ou dans mon théâtre, la vie des gens s’est arrêtée ou encore a été engloutie, et la pièce s’échaffaude et tend vers ce moment où, pour les personnages, la vie redémarre.

The Passion of Jerome, créée au printemps 1999 au Peacock Theatre à Dublin : elle est sans doute celle de mes pièces qui a été la plus difficile à mettre en scène. Elle a divisé la critique dublinoise. Nombre de critiques viennent de la même bourgeoisie que celle inventée pour le personnage de Jérôme, celle où il a grandi, mais lui est assez objectif pour voir plus loin. Jérôme s’est soigneusement réinventé un personnage à partir de son passé, comme l’Irlande, vient de le faire en un temps record. Parler d’héroïne il y a dix ans, comme je l’ai fait alors, c’était un choc pour le public dublinois. Mais j’ai l’impression aujourd’hui que cela les aide à se sentir Européens, Européens encore tout neufs. Il est intéressant de voir de près ce qui les rend mal à l’aise et j’ai eu vraiment envie d’examiner par conséquent cette bourgeoisie sortie des tourbières depuis deux générations seulement, et encore d’explorer l’éventualité d’une possible intrusion, dans leurs vies modernes d’agnostiques, de ce Dieu auquel croyaient leurs grands-mères. Il est intéressant de voir que les réactions du public ont été merveilleuses et il en est résulté une soirée théâtrale où les gens ne pouvaient pas trouver d’échappatoires et étaient obligés de prendre parti : ou bien ces événements étaient surnaturels, ou bien ils étaient provoqués par la drogue.
Bien entendu les thèmes de la pièce sont bien plus complexes et écrire une œuvre comme celle-là a été quelque chose de terrifiant. Comme l’a écrit l’Irish Times, chaque spectateur sortira du théâtre avec sa propre interprétation et pour moi c’est cela qui conduit à un théâtre vivant et stimulant.

Extraits d’une interview accordée par Dermot BOLGER à la revue Etudes Irlandaises (novembre 1999)