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Huis clos ouvert sur l’univers

La voie lactée [1], jadis, était pensée comme le séjour en gloire stellaire des morts. La contempler était une paix dans l’âme du voyageur. Le néon d’un snack-bar est désormais la seule lumière, le lieu d’absence du paradis.

Ils sont trois. David, celui qui ne respecte rien et ne sait où aller ; Thomas le simple, l’infirmier malade et qui fut exempté « à cause de son problème » ; Omid, le serveur (alias Bernard) d’abord joueur de chingue au Gabrestan...

Ils ne cessent de parler de langues qu’ils ne comprennent pas, de cet argent qui leur fait défaut, des femmes avec lesquelles ils ne parlent pas... de vivre, sinon du rêve (la lune « une mine de glace à la vanille » dira Thomas), du moins d’une part de réel égale au rêve et accessible puisque les autres semblent la connaître. Qui semble à portée de la main maintenant que l’ordinateur fait de toi un petit dieu...

Huis clos ouvert sur l’univers... Demeurer dans le jeu des apparences en regard de soi et des autres ou s’aider et recueillir une parcelle vivante de « petit paradis »...

Après « Contre-expertise d’un conte » où Brecht épousait le lyrique populaire kurde, puis le face à face de la mémoire et de la mort de « Aller/Retour », Kazem SHAHRYARI nous offre avec cette nouvelle pièce un autre versant du drame : l’implosion de la tragédie au quotidien. Dialogues incisifs et crus dans le legs commun de la misère... La quête du sens gît dans l’ordinaire.

Alors la spirale du jeu nous mène, avec les personnages, dans la répétition éternelle du manque, de la perte, du vide jusqu’aux ténèbres.

Gérard DA SILVA


[1Préface de la pièce publiée chez L’Harmattan, Théâtre des 5 Continents, 1996