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Hommes et Migrations - 1997

Une femme seule dans un appartement, Marianne. Elle chante la berceuse de l’enfant qui dort. Chant de l’union ou de la solitude, de l’amour ou de la mort. Long monologue, un souffle, un cri qui nomme l’absence, au point de rencontre de la folie.

Le tragique est là, au coeur de la nuit et du silence. Un homme survient, le compagnon disparu depuis des semaines, arrêté et qui s’est évadé : innocent ou coupable ? Dialoguer certes, mais est-ce encore possible ? L’absence n’a-t-elle pas tué la confiance ? Coupable de n’être pas né là, en ce pays, d’être témoin du crime, de vouloir rêver du soleil et des oliviers, de sa part d’amour toujours recommencée.

Avec « Les immigrés », la tragédie est constante et le bonheur à portée de la main, à portée de la parole juste et sensible. Mais telle est bien l’essence de la tragédie qui établit que le bonheur est toujours une idée neuve et, à certains, toujours refusée.

Oui, un geste suffirait, des moyens d’aimer, un moment d’amour. Mais le destin (et l’on nomme ainsi l’aveugle puissance de l’injustice et de l’exclusion) commande de demeurer dans la nuit, nuit des cieux et nuit de l’humanité.

Kazem Shahryari a réussi cette gageure : révéler l’impact sans rémission du tragique le plus intemporel (issu du modèle grec) dans la situation la plus actuelle, l’immigration en la France de 1997. Certes les dieux sont morts, hormis Tukhé, déesse incertaine de la fortune et du hasard. Ce qui fait lien avec Antigone, c’est l’iniquité vêtue des oripeaux de la justice, c’est la vie refusée, la lumière aveuglée.

Sous cette lumière-là, remarquons la parole éperdue de Philippe Cerizolla, l’anxieuse présence de Paul Soka en « homme sans qualités », tout particulièrement la Marianne de Diane D’Amico qui ose des phrasés confiants ou déchirants pour dire les affres du rêve brisé.

Ainsi l’Art Studio Théâtre poursuit-il sa mission de théâtre d’écoute, miroir des enjeux les plus aigus de la Cité, tout en les inscrivant dans la plus ancienne mémoire. Après Contre-expertise d’un conte, Aller-Retour et Sans la voie lactée, c’est la quatrième pièce montée par l’AST avec la même rigueur dans l’engagement et l’écriture. Un théâtre qui sait répondre à l’urgence pour sauvegarder, dans le face à face maîtrisé, la parole échangée. Parole venue des ténèbres pour atteindre la lumière.

Gérard Da Silva, Hommes et Migrations, juin 1997

Les immigrés... France 1997 (Parle-moi du soleil et des oliviers) de Kazem Shahryari du 2 mai au 28 juin à l’AST, 299 rue de Belleville (entrée par le 120bis rue Haxo) 75019 Paris.