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Critique d’Aude Ancellier

Dès que la boîte noire de l’Art Studio Théâtre s’ouvre, on est saisi par la musique, et tout surpris d’entrer par effraction dans l’intimité de Jade, écrivain, en train de chercher à travers ses souvenirs et ses notes.

Pieds nus, Jade (Lydie Marsan) piétine les tapis, carnet et stylo en main avant de s’asseoir devant son ordinateur. Au- dessus d’elle, immédiatement fascinante, l’image de Rimbaud, et épinglés aux murs, les pochettes d’album, les recueil de l’artiste sur lequel elle planche : Léo Ferré. Chanteur, poète, musicien, agitateur d’idées, artiste emblématique et énigmatique de ces dernières décennies, soudain par surprise, par de là la mort et le temps, Léo est là (Paul Soka).
L’homme ou l’idole ? Léo, le provocateur ou l’Anar de légende ? Jade s’emploie à questionner et vivre avec Léo, qu’elle suit depuis l’enfance, et dont la parole et la musique l’a aidée à tenir debout. Voilà qu’apparaît une femme, qui est aussi une voix, à la fois, inspiration, femme aimée et Musique (Ethel Brizard).
 
La mise en scène raffinée de Kazem Sharyary qui, encore une fois, nous mène de surprise en surprise, dans une approche à la fois onirique et éclatée, à travers les miroirs, entre présent et passé. Il dissémine, avec un art économe, images, musiques, vue d’archives, évocations personnelles et musiques.
 
L’écriture de Jocelyne Sauvard nous donne une fiction qui repose sur les archives, docs et souvenirs qu’elle a intégrés, depuis qu’elle a suivi, petite, Léo Ferré, de concert en concert. Tous trois nous font vivre un sacré bout d’Histoire, ces écorchés vifs qui évoquent en chanson en images, l’Indochine, l’Algérie, Mai 68, et les secousses de l’Histoire, ou les grands concerts pop d’un Ferré rajeuni, devenu l’idole des jeunes.
Des écorchés vifs que rien n’arrête, les personnages, tout comme les comédiens qui les donnent à voir. Magnifiques.
Kazem Sharyari, poète, dramaturge, metteur et cinéaste, dont la jeunesse en Iran et la maturité de citoyen français fait vivre mille vies en une seule. « Le rêve de fraternité » entre le metteur en scène et l’auteure renouvelle leur compagnonnage théâtral depuis Léthal romance qui rassemblait émotions, drame et musique.
La passion Léo, 1h20 de bonheur intense.

Le bonheur ? « C’est du chagrin qui se repose » a dit Léo Ferré.
 
Aude Ancellier