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Critique d’Alexandre Laurent

Île de France FM (30 octobre 2004)

La grande réussite de cette pièce, c’est que sans oublier qu’on a affaire à une jeune fille irlandaise et à une jeune fille kurde, on va au-delà. On peut se retrouver historiquement là, maintenant, ou après. A travers la poétique de la pièce ou plus simplement à travers le parcours de deux individus, deux jeunes femmes qui sont contraintes à s’exiler, on assiste – et c’est cela qui est remarquable - au parcours de deux émigrées depuis la nuit des temps et je ne l’espère pas jusqu’à la fin des temps, mais cela on ne peut pas en être sûr.

Les comédiens sont très bien choisis. La pièce est jouée par 5 acteurs : les deux jeunes héroïnes, et trois acteurs pour les autres rôles. Ce qui est formidable c’est que le père, la mère et le fiancé sont les mêmes pour les deux jeunes filles.

L’Art Studio Théâtre est un lieu magnifique parce qu’on est en proximité mais, en même temps, il a des contraintes parce que son plateau est plutôt en largeur qu’en profondeur. Et pourtant on assiste à des scènes incroyables, des ballades à vélo comme en Irlande, des départs et arrivées sur les quais, il se passe plein de choses.
Vous arrivez à nous faire rêver, c’est la magie des lumières et du théâtre.

Les deux jeunes filles sont confondantes de naturel, mues par une force de vie, une innocence qui vient de l’enfance. Ce qui est étonnant, c’est qu’on assiste au fur et à mesure à l’éclosion, dans des circonstances tragiques, de la chrysalide de la femme, de l’être humain. Les deux héroïnes sont différentes mais elles sont toutes les deux dans cette fragilité, dans cette ouverture, dans cette innocence, une vraie innocence, dans cette rencontre avec elles-mêmes avec le désir, avec le corps, la société, la mère, le père… On assiste à la naissance d’une jeune fille, son amour, pour son père, son amant, sa mère, sa vie…
Il ne s’agit plus d’une femme irlandaise et d’une femme kurde, il s’agit d’une « femme » tout court.
Dans la mise ne scène, on le voit bien. Les deux jeunes filles sont d’un côté de la scène chacune. Pendant toute la pièce, elles ne se voient, elles ne se parlent pas mais en même temps elles fonctionnent ensemble. Il y a, au-delà du phénomène de miroir, un phénomène de gémellité qui se fait très naturellement. C’est extraordinaire et très troublant.

Alexandre Laurent
Île de France FM (30 octobre 2004)