Accueil > Forum

Liberté et création

Forum de discussion

Cet espace est consacré à la liberté, vous pouvez laisser votre commentaire, le fruit de votre réflexion particulière, réagir à celle d’un autre et encore répondre... pour ainsi enrichir le débat collectif de chacune des multiples diversités.

Création

n.f. (lat. creatio). 1. Action de créer, tirer du néant. 2. Ensemble du monde créé ; univers. 3. Action de fonder quelque chose qui n’existait pas. 4. Œuvre créée, modèle inédit. 5. Première interprétation d’un rôle, d’une chanson, etc. ; première ou nouvelle mise en scène d’une œuvre. (Petit Larousse)

la liberté et nous

la liberté, la création, la place du dialogue, la gratuité...

Accédez directement au forum « Liberté et création »

Les extraits de textes proposés ici explorent les principes de « Liberté », « Création » et « Gratuité » sur divers aspects et à des époques différentes, parfois sur des sujets périphériques, parfois en contradiction ... pour l’inspiration, mais pas nécessairement.

En voilà également une version en PDF, à télécharger pour les lire tranquillement "hors connexion" :

PDF - 52.4 ko
Textes de Référence
(format PDF)

tout homme est un créateur

Selon Joseph Proudhon, le mot libertas vient de libet, libido, c’est-à-dire instinct passionnel (fringale), entrainement, spontanéité… (de Proudhon à Deleuze de Daniel Colson)

Liberté :


La liberté dont se réclame l’anarchisme n’a rien à voir avec le libre arbitre abstrait et illusoire que prônent tous les discours moraux et autoritaires. Elle n’a rien à voir non plus avec le vide du « pour soi », la « rupture néantisante », cette obligation de la pensée libertaire, liberté et puissance vont de pair. La liberté tient à la puissance de ce qui est. Toute puissance est une liberté et toute liberté est une puissance, une puissance qui n’est pas coupée de ce qu’elle peut. C’est en ce sens que la liberté anarchiste est synonyme de nécessité. Comme l’écrit Proudhon à propos de cette force collective singulière possible qu’est le peuple… (de Proudhon à Deleuze de Daniel Colson)

Kazem Shahryari

Manifeste pour la liberté :

Au faîte de sa splendeur, au Ve siècle av. J-C, l’Athènes démocratique ne disait-elle pas, par la bouche de Périclès : « Mettez le bonheur dans la liberté et la liberté dans le courage ».
Comme Antigone disait ne savoir partager que l’amour, non la haine, nous n’avons à partager que la liberté. Liberté, là où est le bonheur. Mais…
Un jour, je dansais, soudain je fus entouré par les morts… les morts me poursuivaient, les morts m’interrogeaient, les morts m’interpellaient, les morts me culpabilisaient…Jusqu’à ce que je ne sois plus capable de me libérer d’eux… Désormais, leur mémoire était aussi vivante que moi-même. Rien à faire… une unique issue… les entendre… petit à petit nous nous sommes réconciliés… Et nous avons fini par vivre ensemble… Vivre avec nos morts pour leur permettre d’achever leur vie naturelle, d’accomplir leur rêve le plus cher. Moi, je me sentais vulnérable, non pas faible, mais vulnérable… Mes limites résonnaient à mes oreilles…Je clamais…
Aujourd’hui est un moment difficile de notre histoire. Je veux dire une « catastrophe », voilà comment je le nommerais, nous vivons au milieu d’une catastrophe. Certains goûtent à l’ivresse de devenir riches et plus forts. Et plus leurs bénéfices grandissent, plus ils rassemblent, en les réduisant, les plus forts. Et plus les faibles, de plus en plus nombreux, sont séparés. Eux sont des maîtres, eux sont les lions de la fable. Mais le maître de l’épopée et de la fable, Homère ne nous a-t-il pas depuis toujours appris : « il n’est pas de pacte entre les hommes et les lions ».
Que dire ? Sommes-nous libres, malgré tout. Et si oui pour quoi faire ? Le poète mesure la trace des griffes de ce monde sur la liberté, seule partenaire de son utopie, son guide. Mes amis, fermez un instant vos yeux. Vous êtes libres. Mais la question de la liberté commence juste après cet instant, au moment où nous avons les yeux bien ouverts, lorsque nous voyons l’autre, les autres, lorsque nous devons faire quelques pas vers lui, vers eux, que nous devons reconstruire une rencontre et, surtout, surtout prendre soin de cette rencontre. Et voilà que la création de l’homme est en péril. A cause de sa liberté lorsqu’il ouvre les yeux et qu’il lui faut marcher. Liberté, double vivant hors de nous, comment faut-il aller te chercher et prendre soin de toi ?
Mais moi, je n’ai nulle part où déposer mes papiers, mes idées, non pour les protéger mais pour les partager, nulle part où déposer mon testament. Vous êtes témoins : le monde est devenu trop petit à partager, un seul maître, paraît-il, suffit, une seule banque, un seul marché suffit, un suffit, une suffit. Ainsi notre temps est une catastrophe : guerres pour en finir avec les adversaires, les autres, une seule littérature, un seul cinéma, une eule culture, une seule respiration. Un seul, une seule…Alors une voix me dit de me tourner vers les gouvernements, de questionner, d’exiger le retour de la liberté. Alors une autre voix me rappelle que « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » (article 35 de la Constitution de 1793). Alors…
Oui ! Ce monde est trop petit. Pour nous la dégénérescence de la culture attise la plume de la pensée. Plus je reconnais que le monde est petit, plus je découvre que je ne suis pas libre.
Toutes les lois nous contraignent à suivre la pensée de cet ancien nouveau petit monde. Et nous devons investir comme des esclaves pour racheter notre liberté, pour que les enfants de la terre ne naissent pas esclaves. Et nous devons être, comme depuis toujours, comme disait déjà Marc Aurèle : « droits et non pas redressés ». Tel est le courage, où commence la liberté.

Pour sauver l’avenir. Dans ce petit monde ceci est le premier mot de l’utopie. Mes amis, je rêve qu’au début du printemps, nous nous disions : « réinventons tout ce qui l’a déjà été ». Tout arrêter et tout recommencer.

Liberté, notre manque, toujours à inventer, à nous réinventer. Créons le monde à la mesure fraternelle de ce rêve. La poésie de tous par tous, le manifeste de l’utopie… Oui « Liberté, j’écris ton nom… ». Vivre le courage de la liberté et le partage du bonheur. Une fenêtre ouverte sur l’art et l’avenir.

Oui, « Je ne sais partager que le bonheur ».

Fermez les yeux, nous sommes libres ! Ouvrez les yeux, nous sommes libres !

P. Bloche :

En reconnaissant aux auteurs un monopole provisoire sur les œuvres, les Révolutionnaires de 1789 veillèrent aussi à ce que les œuvres reviennent rapidement dans le domaine public. C’est cet équilibre que recherchait Jean Zay et le gouvernement du Front Populaire quand ils préparaient, sans pouvoir, malheureusement, la conduite à son terme, une législation qui considérait l’auteur non comme un « propriétaire » mais comme un « travailleur intellectuel ».

P. Valéry, Variété V, 1944, page 87 :


L’homme ne fait guère qu’inventer. Mais celui qui s’avise de la facilité, de la fragilité, de l’incohérence de cette génération lui oppose l’effort de l’esprit. Il en résulte cette merveilleuse conséquence que les plus puissantes « créations », les monuments les plus augustes de la pensée, ont été obtenus par l’emploi réfléchi de moyens volontaires de résistance à notre « création » immédiate et continuelle de propos, de relations, d’impulsions, qui se substituent sans autre condition.

Mécène,

Caius Cilnius Mæcenas (v70 av. J.C. – 8 av. J.C.)


Epicurien qui fut aussi homme d’état et homme de plaisir, homme à bonnes fortunes et amant passionné de son épouse Terentia, mari jaloux et trompé par son maître et ami le prince (Octave César Auguste) chassant et reprenant tour à tour l’infidèle, patron et protecteur d’un danseur de mimes, , le jeune Bathylle, que Tacite lui reproche d’avoir trop aimé, amateur de jardins et propriétaire de chevaux […] , amateur d’art et de luxe […], grand politique qui fait de second d’Auguste tout en refusant le laticlave et les honneurs, aristocrate de vieille souche royale étrusque mais qui reste simple chevalier, protecteur des grand artistes classiques, de Virgil et d’Horace, et pour lui-même auteur alambiqué de « papillotes parfumées » selon l’expression railleuse d’Auguste, richissime, élégant et se permettant de porter au Forum un vêtement à capuchon avec deux trous pour les oreilles qui eût rendu ridicule tout autre, esthète nonchalant et parfois homme d’action singulièrement efficace, le personnage surprend par ce tissu de contradictions, ce mélange de grandeur, de faiblesses et de difficultés.

Extrait du livre de J.-P. Boucher, « Etudes sur Properce. Problèmes d’inspiration et d’art », 1965

W. Mercouroff et D. Pignon, « Le Numérique, fils du vent », 11 février 2004, Libération :


Des pistes existent. On utilise déjà des biens immatériels qui fonctionnent sous des régimes apparemment « gratuits », en fait mutualisés ; les bibliothèques publiques où chacun peut venir puiser l’information qu’il souhaite dans des livres, les soins de santé mutualisés avec les régimes d’assurance maladie, […], les résultats de la recherche scientifique fondamentale pratiquée dans des laboratoires publics, qui sont gratuitement mis à la disposition de qui veut les utiliser. C’est d’ailleurs cette gratuité et cette mise à disposition de tous, depuis plusieurs siècles, qui sont à l’origine du dynamisme et des avatars des sciences et des technologies, dont l’Internet en est un des derniers. Ces quelques exemples parmi tant d’autres montrent que cette économie « gratuite » de biens immatériels peut se faire sur la base d’une mutualisation, par l’impôt, l’abonnement, la cotisation forfaitaire.

A. Camus, extraits de « L’homme révolté », 1951 :


L’art aussi est ce mouvement qui exalte et nie en même temps. « Aucun artiste ne tolère le réel », dit Nietzche. Il est vrai ; mais aucun artiste ne peut se passer du réel. La création est exigence d’unité et refus du monde. Mais elle refuse le monde à cause de ce qui lui manque et au nom de ce que, parfois, il est. La révolte se laisse observer ici, hors de l’histoire, à l’état pur, dans sa complication primitive. […]
On observera pourtant l’hostilité à l’art qu’ont montrée tous les réformateurs révolutionnaires ? Platon est encore modéré. Il ne met en question que la fonction menteuse du langage et n’exile de sa république que les poètes. Pour le reste, il a mis la beauté au-dessus du monde. Mais le mouvement révolutionnaire des temps modernes coïncide avec un procès de l’art qui n’est pas encore achevé. La Réforme élit la morale et exile la beauté. Rousseau dénonce dans l’art une corruption ajoutée par la société à la nature. Saint Just tonne contre les spectacles et, […], veut que la raison soit personnifiée par une personne « vertueuse plutôt que belle ».La Révolution française ne fait naître aucun artiste, mais seulement un grand journaliste, Desmoulins, et un écrivain clandestin, Sade. […]

Marx se demande, […], comment la beauté grecque peut encore être belle pour nous. Il répond cette beauté exprime l’enfance naïve d’un monde et que nous avons, au milieu de nos luttes d’adultes, la nostalgie de cette enfance. Mais comment les chefs-d’œuvre de la Renaissance italienne, comment Rembrandt, comment l’art chinois, peuvent-ils encore être beaux pour nous ? Qu’importe ! Le procès de l’art est engagé définitivement et se poursuit aujourd’hui avec la complicité embarrassée d’artistes et d’intellectuels voués à la calomnie de leur art et de leur intelligence. […]

[…]
Cette folie ascétique a pourtant ses raisons qui, elles, du moins, nous intéressent. Elles traduisent, sur le plan esthétique, la lutte, […], de la révolution et de la révolte. Dans toute révolte se découvrent l’exigence métaphysique de l’unité, l’impossibilité de s’en saisir, et la fabrication d’un univers de remplacement. La révolte, de ce point de vue, est fabricatrice d’univers. Ceci définit l’art aussi. L’exigence de la révolte, à vrai dire, est en partie une exigence esthétique.

Robespierre

Sur le droit de pétition,
9-10 mai 1791, à l’Assemblée constituante
 :

[…]

Je défend les droits les plus sacrés de mes commettants, car mes commettants sont tous français ; et je ne ferai sous ce rapport aucune différence entre eux, je défendrai surtout les plus pauvres. Plus un homme est faible et malheureux, plus il a besoin du droit de pétition ; et c’est parce qu’il est faible et malheureux que vous le lui ôteriez ? Dieu accueille les demandes non seulement des plus malheureux des hommes, mais des plus coupables. Or, il n’y a de lois sages et justes que celles qui dérivent des lois simples de la nature. Si vos sentiments n’étaient point conformes à ces lois, vous ne seriez plus les législateurs, vous seriez plutôt les oppresseurs des peuples.
[…]

Le droit de pétition n’est autre chose que la faculté accordée à un homme, quel qu’il soit, d’émettre son vœu, [...] Il est évident qu’il n’y a point là de droits politiques parce qu’en adressant une pétition, en émettant un vœu, son désir particulier, on ne fait aucun acte d’autorité, on exprime à celui qui a l’autorité en main ce que l’on désire qu’il vous accorde.

Remarquez que l’exercice du droit de pétition suppose, au contraire, dans celui qui l’exerce, l’absence de toute autorité ; il suppose l’infériorité et la dépendance ; car celui qui a quelque autorité, celui qui a quelque pouvoir, ordonne et exécute ; et celui qui est dépendant, désire, demande, adresse ses vœux, adresse des pétitions.
Je demande si cette faculté ainsi définie peut être contestée par qui que ce soit. Je dis plus : je dis que c’est le libre exercice de cette liberté…
[…]

Saint-Just

Discours sur les subsistances
29 novembre 1792, à la Convention nationale
 :


Lorsque je me promène au milieu de cette grande ville, je gémis sur les maux qui l’attendent, et qui attendent toutes le villes, si nous ne prévenons la ruine totale de nos finances : notre liberté aura passé comme un orage, et son triomphe comme un coup de tonnerre.
[…]

Nos subsistances ont disparu à mesure que notre liberté s’est étendue parce que nous ne sommes guère attachés qu’aux principes de la liberté, et que nous avons négligé ceux du gouvernement.

Il était dans la nature des choses que nous nous élevassions promptement au degré d’énergie où nous sommes parvenus. Nos besoins pressants ont dévoré tous nos préjugés ; notre liberté est fille de la misère.

Il n’est plus temps de se flatter ; il ne faut pas non plus tomber dans le découragement. Établissons notre république, donnons-nous des lois, n’attendons plus : que nous importent les jugements du monde ? Ne cherchons point la sagesse si loin de nous. Que nous serviraient les préceptes du monde, après la perte de la liberté ? Tandis que nous attendons le tribut des lumières des hommes, et que nous rêvons le spectre de la liberté du globe, la faiblesse humaine, les abus en tous genres, le crime, l’ambition, l’erreur, la ramènent en triomphe à la servitude. On croirait que nous défions l’esclavage, en nous voyant exposer la liberté à tant d’écueils.
[…]

On ne peut point faire de lois particulières contre ces abus : l’abondance est le résultat de toutes ces lois ensemble.

Mais si l’on voulait donner à ce grand peuple des lois républicaines, et lier étroitement son bonheur à sa liberté, il faudrait le prendre tel qu’il est, adoucir ses maux, calmer l’incertitude du crédit public ; car enfin, et j’ose le dire, si l’empire venait à se démembrer, l’homme qui attache quelque prix à l’aisance se demande à lui-même ce que deviendraient entre ses mains des richesses fictives dont le cours serait circonscrit.
[…]

Robespierre

Sur la liberté de la presse,
22 août 1791, à l’Assemblée constituante
 :

[…]

La liberté de publier ses pensées étant le premier boulevard de la liberté, ne peut être limitée ni gênée en aucune manière, si ce n’est dans des États despotiques.

Est-il vrai que la liberté de la presse consiste uniquement dans la suppression de la censure et de toutes les entraves qui peuvent arrêter l’essor de la liberté ?

Je ne le pense pas et vous ne le pensez pas non plus.
La liberté de la presse n’existe pas dès que l’auteur d’un écrit peut être exposé à des poursuites arbitraires ; et ici il faut saisir une différence bien essentielle entre les actes criminels et ce qu’on a appelé les délits de la presse.
[...]

Rappelez-vous ce qui s’est passé jusqu’ici, lorsque le gouvernement, sous prétexte de l’ordre et de l’intérêt public, poursuivait les écrivains. Quels étaient les écrits qui étaient les objets de sa sévérité ? C’étaient précisément ceux qui sont actuellement l’objet de notre admiration et qui ont mérité de notre part les hommages à leurs auteurs.
[...]

Le "Contrat Social" était, il y a trois ans, un écrit incendiaire !

Jean-Jacques Rousseau, l’homme qui a le plus contribué à préparer la révolution, était un séditieux, était un novateur dangereux, et pour le faire monter à l’échafaud, il n’a manqué au gouvernement que moins de crainte du courage des patriotes ; et on peut ajouter sans crainte de se tromper, que si le despotisme avait assez compté sur ses forces et sur l’habitude qui enchaînait le peuple sous son joug, pour ne pas craindre une révolution, Jean-Jacques Rousseau eût payé de sa tête les services qu’il voulut rendre au genre humain, et qu’il eût augmenté la liste des illustres victimes que le fanatisme, le despotisme et la tyrannie ont frappé dans tous les temps.
[...]

Une autre question non moins importante s’élève relativement aux personnes publiques. Il faut observer que dans tout Etat le seul frein efficace des abus de l’autorité c’est l’opinion publique ; et par une suite nécessaire la liberté de manifester son opinion individuelle sur la conduite des fonctionnaires publics, sur le bon et mauvais usage qu’ils font de l’autorité que les citoyens leur a confiée. Or, supposez que l’on ne puisse en exercer le droit qu’à condition d’être exposé à toutes les poursuites, à toutes les plaintes juridiques des fonctionnaires publics ; je vous demande si ce frein ne devient pas impuissant et à peu près nul pour celui qui voudra remplir la dette qu’il croira avoir contractée envers la patrie, en dénonçant des abus d’autorité commis par les fonctionnaires publics. S’il est possible de tenir une lutte terrible avec lui, qui ne voit pas quel est l’avantage immense qu’a dans cette lutte un homme armé d’un grand pouvoir, environné de toutes les ressources que donne un crédit immense, une influence énorme sur la destinée des individus et sur celle même de l’État : qui ne voit que très peu d’hommes seraient assez courageux pour avertir la société entière des dangers qui la menacent ?
[...]

Je demande donc que l’Assemblée nationale décrète que, sauf les exceptions qu’elle a cru devoir porter concernant les écrits qui provoquent formellement la désobéissance à la loi, elle déclare que tout citoyen a le droit de publier son opinion, sans être exposé à aucune poursuite.

P.-N. Giraud, extraits de « Un spectre hante le capitalisme : la gratuité » 6 mai 2004, Le Monde :

Ainsi drapés dans la défense de la création et de l’intérêt général, les majors du disque et du cinéma s’ingénient à inventer des moyens de dissuader ou de faire payer ce que le progrès technique a rendu quasi gratuit : la recherche, la reproduction et l’échange de fichiers numériques… Comme toute tentative de s’opposer aux libertés nouvelles qu’offre la technique, ces méthodes seront au mieux inefficaces, quand elles n’auront pas d’effet pervers.
Il s’agit de combats d’arrière-garde qui ne feront que retarder l’inéluctable gratuité. Ceux qui les mènent ont autant de chance de succès que ceux qui se seraient opposés à l’imprimerie pour sauvegarder l’emploi des copistes et l’art de la calligraphie dans l’Occident médiéval.

[…]

Il n’est certes pas de bon ton, à l’heure où pour beaucoup l’Etat doit avant tout être réduit, d’évoquer la seconde hypothèse : un financement en partie public de la création. Mais, en réalité, de la Grèce aux Etats modernes en passant par les Médicis, n’en a-t-il pas toujours été ainsi ?

O. Bomsel, extraits de « Gratuit ! », 2007 :

Alors que le copyright anglais remonte au XVIIe siècle, la guerre d’Indépendance (1776) fait apparaître aux Etats-Unis les besoins d’une loi pour protéger, dans chaque Etat de l’Union, la presse et les auteurs locaux. Le Congrès américain vote en 1790 une loi sur le copyright protégeant exclusivement les auteurs américains. Conséquence : durant tout le XIXe siècle les éditeurs américains publient les best-sellers anglais sans payer aucun droit. Avantage : peu de risques car ne sont réédités que les livres à succès, création d’un lectorat américain friand de romans bon marché, compétitivité de l’édition américaine face à ses concurrents britanniques payant des droits…
[…]

Ce n’est qu’en 1891, lorsque le lobby des auteurs américain devient assez puissant pour dénoncer la concurrence de leurs collègues anglais, que le Congrès étend enfin la loi du copyright à la protection des auteurs étrangers. Au bout d’un siècle de piratage, l’industrie de l’édition américaine dispose alors d’un marché et d’un réseau de distribution capables de valoriser ses propres auteurs. En d’autres termes, les éditeurs et les auteurs anglais ont financé la création du marché américain.
[…]

L’Europe, qui a [maintenant] fort bien anticipé les menaces portant sur la propriété intellectuelle, doit désormais afficher plus clairement ses objectifs de valorisation des contenus et de leur diversité.

G. Orwell, extraits de « 1984 », 1949 :

« La liberté, c’est l’esclavage » (l’esclavage, c’est la liberté)

« L’ignorance, c’est la force » (la force, c’est l’ignorance)

M. Stirner, Le faux principe de notre éducation, 1842 :


« Que la culture universelle de l’école vise à l’apprentissage de la liberté, non de la soumission : être libres, voilà la vrai voie. »

L. Michel, Déclaration devant les assises de la Seine, 1883 :


« Le peuple meurt de faim, et il n’a pas même le droit de dire qu’il meurt de faim.
Eh bien, moi, j’ai pris le drapeau noir et j’ai été dire que le peuple était sans travail et sans pain. Voilà mon crime. Vous le jugerez comme vous voudrez. Vous dites que nous voulons la révolution. Mais ce sont les choses qui font les révolutions. »

M. Bakounine, Considérations philosophiques sur le monde réel, 1870 :


« C’est en cherchant l’impossible que l’homme a toujours réalisé le possible. Ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible n’ont jamais avancé d’un seul pas. »

M. Stirner, L’Unique et sa propriété, 1848 :


« Si les hommes parviennent à perdre le respect de la propriété, chacun aura une propriété, de même que tous les esclaves deviennent des hommes libres dès qu’ils cessent de respecter en leur maître un maître. »

Evelyn Beatrice Hall, Les amis de Voltaire, 1906 :


« Je ne partage pas vos idées mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer »


Ajoutez votre commentaire plus bas. Vous pouvez directement aborder le sujet général en cliquant sur "Répondre à cet article" ou continuer le fil d’une discussion engagée par un autre auteur en cliquant sur "Répondre à ce message".

Note : Les messages postés ici passent par un modérateur avant d’apparaître sur le site, patientez quelques temps...

Les messages publicitaires qui n’ont rien à voir avec le sujet seront refusés.
Merci de votre compréhension !
Attention à ne pas lancer un sujet général s’il est déjà entamé et de plutôt continuer celui déjà lancé (ceci afin de maintenir la lisibilité et la cohérence de l’ensemble et d’éviter les répétitions). Les réponses s’articulant sur différents niveaux, vous trouverez celui approprié au sujet traité (ou dans les différents sous-sujets).

Si vous citez un texte existant ou publié, pensez à mentionner les sources et dates de publications dans la mesure du possible.

Messages

  • La France ne vit pas sous occupation d’armées étrangères. L’indépendance est liberté. Mais cette liberté, les habitants de France la ressentent comme si elle était la nature des choses. « Il ne manquerait plus que ça ! ». Cette liberté devenue normale ne porte plus sa joie politique, affect disséminé dans l’air du temps.
    Nous marchons sur un socle de libertés sédimentées. Liberté d’esprit que nous donne l’instruction généralisée. Liberté de conscience instituée par Révolution française. Liberté d’accès aux soins par la vertu de la sécurité sociale. Amenuisement de la contrainte patriarcale sur l’amour et le sexe. Indépendance nationale. Patrimoine artistique. Abolition de l’esclavage. Suffrage universel. Philosophie. Droits syndicaux… Ce dépôt, ce socle sédimentaire peut s’effriter et mérite d’être défendu. Il ajoute indubitablement à notre bien-être. Mais nos consciences s’y sont faites et ne s’en préoccupent pas davantage qu’un promeneur ne s’interroge sur le continent des roches alluviales grâce auxquelles il marche au sec plutôt que de barboter parmi les poissons de mer. Pour ressentir la joie de la liberté, il faut en vivre le surgissement. Tout ce qu’il y a d’humain dans l’aventure humaine touche à ces deux états de la liberté. Le courant où elle s’invente. Le dépôt que le courant laisse après son passage.

    Question : la morosité politique qui aujourd’hui nous traverse ne tient-elle pas à l’annonce que l’histoire de la liberté aurait trouvé son cadre définitif ? Libéralisme : doctrine politique selon laquelle toute la liberté politique possible est atteinte avec l’État de droit à l’occidentale, la conduite capitaliste de l’économie, l’uniformisation marchande du monde, la consommation comme clef du bien-être. L’aventure s’arrêterait là, sauf à risquer la tyrannie communiste, le fanatisme islamique, l’embrigadement idéologique, la dictature, la disette. Si c’est vrai – et c’est massivement cru vrai –, si le courant de la liberté a pour toujours trouvé sa mare, alors soyons grenouilles et soumettons-nous à la fantaisie des brochets.

    Revenons quelques décennies en arrière. On y subit déjà le règne de ce que nous appelons aujourd’hui libéralisme, mais beaucoup refusent d’y lire la fin de l’histoire. Beaucoup rêvent d’une plus grande liberté, d’une plus grande autonomie. Beaucoup pensent possible, souhaitable de franchir l’horizon du capitalisme ou d’une démocratie qualifiée de bourgeoise. Observons que cette mise en mouvement se donne d’emblée une figure analogue à celle que nous présente aujourd’hui l’ordre libéraliste : la figure d’un aboutissement. Elle y ajoute une étape supplémentaire, mais c’est juré, cette fois-ci, la lutte sera finale. Autre fin, autre vérité de l’histoire, mais sous la condition d’un pas de plus.

    L’obligation de se conformer à une supposée vérité de l’histoire, on en connaît la saveur depuis que le croisé assiégeant une ville soupçonnée d’être contaminée par l’hérésie cathare ordonne à ses gens d’armes : « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». Les bombardiers démocratiques de Georges Bush comme les tribunaux populaires d’États autoqualifiés de prolétariens fétichisent un ordre réputé définitif et contraignent les foules à s’incliner devant le fétiche. Quand on croit que l’histoire reconnaîtra les siens, on n’est pas regardant sur le nombre, ni sur le droit des victimes.

    Nous sommes des mortels. La contrainte est inhérente à notre vie individuelle et à notre existence sociale. Les voies par lesquelles nous parvenons à nous en libérer s’inventent au jour le jour et sans fin. Elles prennent des formes toujours diverses, toujours inattendues. Jamais le socle des libertés instituées n’abolira la contrainte, donc jamais ne s’épuisera le désir de libertés nouvelles. L’amour de la liberté, sa joie sont dans le mouvement. On l’a vu dans les semaines de la Libération où l’armée nazie fut chassée de France. On en a pleuré d’émotion. On l’a vu dans la joie étonnée qui traversait les foules de Chicago quand elles surent que le peuple américain avait emmené l’histoire américaine au delà de sa malédiction raciste en votant majoritairement pour Barack Obama. Ces joies de l’instant n’étaient pas construites sur l’illusion que Barack Obama ou le général De Gaulle seraient les messies d’une société heureuse. Elles s’alimentaient de la grandeur humaine à l’œuvre, de la liberté à l’œuvre. Elles contemplaient la mise en œuvre concrète et momentanée d’une liberté toujours indéfinie.

    La liberté n’est pas l’accomplissement d’un programme, elle est un engagement de l’être. Le chemin vers la liberté de tous s’appelle émancipation. Émancipation pour le plus grand nombre. Ce parti pris se suffit à lui-même et n’a pas besoin, pour être désirable, de déboucher sur le bonheur obligatoire. Faire surgir de la liberté nouvelle suffit à notre grandeur. « Le but est dans le chemin ».